Un bureau en bois sur lequel se trouve un microphone

Récit d’enfance : Leur passé d’aujourd’hui – Christian

Dans Récit d’enfance : leur passé d’aujourd’hui, nous partons à la rencontre de personnes pour les questionner sur leur enfance et leur éducation. Au travers de six questions simples, nous avons interrogé plusieurs dizaines d’hommes et de femmes. L’occasion, à chaque entretien, de découvrir le passé de l’invité et son influence sur son présent.

Aujourd’hui, nous rencontrons Christian – 68 ans. Ainé d’une fratrie, il nous fait part de sa frustration de ne pas avoir pu faire plus d’études, de son amour pour le sport et de sa tendance à faire profil bas, à cause de l’éducation paternelle.

Les entretiens sont retranscrits dans leur intégralité : nous avons pris le parti de conserver les mots choisis par les narrateurs… et parfois leur franc-parler !

Christian – 68 ans

5 mots : Quels sont les cinq mots qui décrivent votre enfance, et pourquoi ?

Heureux, avec les vacances : on était vraiment mis sur un grand piédestal dès qu’il y avait les vacances. On était les rois, on en profitait. On partait trois semaines par an, trois semaines à fond avec les parents.

Dans l’éducation, je dirais frustré, parce qu’on m’empêchait de faire ce que j’aurais souhaité faire. Je n’ai pas fait beaucoup d’études. J’étais fils de commerçant. Mon père ayant été frustré, à cause de la guerre : il n’a pas pu continuer ses études, il a considéré que cela ne servait à rien. En fait, il commençait à être un bon élément, mais la guerre est arrivée donc il n’a pas pu faire ce qu’il souhaitait. Il a dû arrêter ses études, commencer à s’occuper du travail de son père qui était prisonnier de guerre, il a dû aider sa mère ainsi que sa petite sœur et son frère.

Ensuite le sport. J’aimais les activités sportives ! Je n’arrêtais pas de bouger : un de mes fils et un de mes petits-fils sont pareils à ce niveau-là. Il fallait que ça bouge, que ça remue.

Quand même studieux, car j’aimais bien apprendre. Cependant, je n’avais pas les moyens, dans la maison, pour pouvoir apprendre, parce qu’on était quatre à l’époque, puis ma petite sœur est arrivée après. À quatre, il fallait laisser la priorité aux autres, donc je n’avais pas d’endroit où travailler, où réviser.

J’étais le grand frère. J’étais donc un peu délaissé. Je ne pouvais pas avoir d’aides. Dès le CM1, je devais être autonome dans les études. Lorsque j’avais une question à poser, ils n’avaient pas de temps pour y répondre : il y a d’autres frères et sœurs donc…

Puis à la fin de l’enfance, lorsque je suis arrivée à l’armée, ce fut la révélation. Je me suis rendu compte qu’on m’avait privé d’études, car dans le test, j’ai été révélé comme quelqu’un ayant des capacités, qui aurait pu poursuivre ses études, mais on m’en a empêché…

Regret : Est-ce qu’il y a une chose que vous auriez voulu changer à votre enfance ?

Changer quelque chose, oui ! J’aurais aimé avoir la possibilité de faire des études. Deuxième chose, être plus grand ! (Rire) Mesurer comme mes fils 1m80 pour pouvoir faire du sport avec un meilleur niveau. Avec mon mètre d’à peine soixante-dix, le saut en hauteur, pour moi, c’était difficile. Déjà, sauter un mètre cinquante, c’était bien, mais au-delà, lorsque tu n’es pas très grand, ce n’est pas facile. Cependant, dans la course de fond, je me suis régalé : j’ai donc eu ce que je voulais. Un peu tard, mais je l’ai eu quand même. J’ai réussi à faire un triathlon, un marathon : ça, j’ai pu.

Par rapport à mon caractère, peut-être qu’il aurait fallu que je m’impose plus. Je ne me bile pas dans ces propos-là. Je me sens bien dans ma peau. Il faut de tout. On ne va pas chercher à être super intelligent, super dynamique : tout va bien dans le meilleur des mondes.

Je ne cherche pas à tout bousculer. En revanche, j’ai toujours voulu, même en tant qu’enfant, faire quelque chose pour les autres, en m’oubliant. Peut-être un peu trop me dévouer. Même lorsque j’ai eu des activités, comme enfant de louveteau au scout, ou enfant de chœur, je faisais beaucoup pour les autres. Puis, je me rendais compte après, que j’avais tout donné et qu’il ne me restait rien. Cependant, je m’en fous puisque j’ai tout donné aux autres : ça me satisfaisait.

Éducation : Quelle critique positive et ou négative pouvez-vous faire de votre éducation ?

Dans les éléments positifs de mon éducation, je pense que certaines valeurs comme penser à son prochain, sont des bonnes choses. Après, dans le négatif, à part le fait qu’on m’a empêché de faire des études, il n’y a pas grand-chose.

Peut-être aussi que vu que j’étais assez agité, dynamique comme enfant, on me remontait souvent les bretelles, on me punissait. Or, j’avais besoin de courir partout, de me dépenser, de transpirer. Lorsque j’étais petit, parfois, il fallait que je reste assis sur une chaise pendant trois heures, lorsqu’on allait manger chez certaines personnes de la famille. Puis si on allait au cimetière, c’était pareil : il fallait rester assis. Je regrette ces choses-là, car c’était du temps perdu : tu restes assis durant des heures à ne rien faire. C’est du négatif ça !

Mis à part en vacances, il n’y avait pas de choses positives pour un enfant : on n’allait pas dans des parcs, au bord de la mer ou dans des lieux de distractions, il fallait attendre les vacances.

Personnalité : Y a-t-il un trait de votre caractère qui est une conséquence de votre vécu durant votre enfance ?

 Un de mes traits de caractère qui est une conséquence de mon éducation, c’est le fait de faire profil bas. Cela est dû à l’éducation paternelle : il fallait que ça marche tout droit. On restait dans un coin, on n’avait rien à dire, on devait se taire. Il fallait s’effacer, ne pas râler.

Lorsque tu sais que tu as raison, on te disait que tu avais tort, et tu ne pouvais pas te plaindre. Bon, lorsque c’est vraiment trop flagrant, tu te rebelles, mais en général, ce n’est pas le cas.

Dans la carrière professionnelle, c’est pareil : il y a quelquefois où j’aurais pu me plaindre pour obtenir une plus haute augmentation, mais avec mon éducation, mon caractère, je me plaignais intérieurement, et je faisais profil bas. Tu te contentes du peu qu’on te donne.

J’ai appris à me débrouiller tout seul.

On ne m’a pas donné l’opportunité de faire du sport, j’ai donc dû en faire avec les moyens qui m’entouraient. J’installais des barrières sur des caisses à fromage pour faire du 110M haies. J’avais un gros poids, donc je l’utilisais pour faire de la lancée de poids. Dans les endroits où je pouvais mettre du sable, j’en mettais et je faisais du saut en longueur. Je faisais avec les moyens du bord, parce qu’on ne m’inscrivait pas dans des clubs : ils disaient que le sport ne servait à rien.

Je n’ai jamais eu de vélo. Il a fallu que je l’achète en fournissant du travail. J’ai dû retourner toute une pelouse pour pouvoir semer de l’herbe et refaire une pelouse. Grâce à ça, j’ai eu un vélo, tout déglingué : il n’y avait pas de frein, il a fallu les resserrer. Au moins, j’ai eu mon premier vélo. J’avais douze, treize ans. Alors que l’un de mes frères l’a eu à l’âge de huit ans. Bon, c’est comme ça…

Transmission : Quelles choses pensez-vous avoir transmis à vos enfants de votre propre éducation et lesquelles sont différentes ?

J’ai voulu plus m’investir avec mes enfants, pour qu’ils aient accès au sport, pour qu’ils s’éclatent, pour qu’ils transpirent, profitent. On passait des dimanches autour d’une piste de roller pour Grégory et les gars, on passait près des manèges de chevaux pour Mathieu : on les déposait à la musique aussi, chose à laquelle on n’a jamais eu accès.

Pour les vacances, c’était pareil. Il y avait beaucoup plus de vacances. Ils ont accédé au sport d’hiver : chose que je n’ai jamais pu faire. C’est vrai que c’était une autre époque. J’ai voulu qu’ils aient accès à plein de trucs comme ça. On voit que Grégory fait tout ce qu’il peut pour transmettre à ses enfants ces choses-là aussi : ils vont faire du ski par exemple. Cela se retransmet… Puis, on a voulu, notamment, avoir quelque chose en commun : on a donc acheté une maison de vacances tous ensemble, la maison appartient à nous tous : c’est la maison des cinq.

Dans ce que je leur ai transmis de mon éducation, c’est sûrement le fait de tout donner de soi pour les autres : j’espère avoir transmis ça. On ne le ressent pas chez certains des enfants, mais en général oui : je vois que Grégory fait tout pour ses enfants, que Mathieu et Guillaume disent souvent :”ah, tiens, on a ça, ça à donner”, “ah tiens on a vu ça, vous pourriez faire ça…” Ils sont dans la transmission.

Anecdotes : Avez-vous un souvenir, une anecdote de votre enfance à raconter ?

Une anecdote… Oh, bah, ce sont des trucs de gamins… Par exemple, c’est le fait de vouloir faire comme les parents. Mon père était commerçant : il avait des marchés ambulants, il installait donc tout son étal à chaque fois. Un jour, j’ai pris une partie de son étal : il n’avait alors plus que son camion, et non plus les étals avec les bâches, et je me suis mis à installer tout moi-même, puis je jouais au marchand, tout seul dans la cour. Je vendais des cailloux et des bêtises.

Lorsque mon père est rentré, je me suis fait incendier, parce que j’avais touché à ses outils de travail. Or, j’avais voulu faire ça sans méchanceté. Ma mère m’avait vu en train de jouer, et n’avait rien dit, car je ne faisais pas de bêtises. Mon père n’avait pas eu le même avis…

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Pour aller plus loin :

L’entretien a été réalisé en partenariat avec Notre passé d’aujourd’hui, projet qui porte des valeurs semblables à celles d’Entoureo.

Dans le cadre de son projet de livre en cours d’écriture depuis 2018, intitulé Notre passé d’aujourd’hui, Rosemitha Pimont, âgée de 20 ans, a réalisé une centaine d’interviews pour recueillir une multitude d’histoires de vie. Son objectif est de raviver, à travers six questions, les souvenirs de notre enfance, les caractéristiques de notre éducation, afin de voir l’impact de notre passé sur notre personnalité, notre présent.

Les personnes interviewées sont âgées de 15 à 101 ans, proviennent des quatre coins du monde et sont de milieux socioculturels divers. Une émission de radio sous le nom de Notre passé d’aujourd’hui, issue du même projet, est déjà disponible.


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