Un bureau en bois sur lequel se trouve un microphone

Récit d’enfance : Leur passé d’aujourd’hui – Jean-François

Dans Récit d’enfance : leur passé d’aujourd’hui, nous partons à la rencontre de personnes pour les questionner sur leur enfance et leur éducation. Au travers de six questions simples, nous avons interrogé plusieurs dizaines d’hommes et de femmes. L’occasion, à chaque entretien, de découvrir le passé de l’invité et son influence sur son présent.

Aujourd’hui, nous rencontrons Jean-François – 65 ans. Ainé d’une fratrie de 6, ce rêveur optimiste nous raconte ce que c’est d’être le grand frère de la famille, son regret par rapport ses études et l’importance du travail. Le mot clé de son parcours de vie est l’amour. Quels sont les mots qui décrivent principalement son enfance ?  

Les entretiens sont retranscrits dans leur intégralité : nous avons pris le parti de conserver les mots choisis par les narrateurs… et parfois leur franc-parler !

Jean-François – 65 ans

5 mots : Quels sont les cinq mots qui décrivent votre enfance, et pourquoi ?

Je crois que mon premier mot est le rêve, parce que j’ai tendance à rêver de choses que je pourrais faire ou qui pourrait m’arriver. Le rêve et l’aventure…

Le second mot, c’est le jeu. J’ai eu la chance de beaucoup jouer durant mon enfance. Jouer librement : que ce soit des jeux très structurés ou des jeux d’aventures, dans un jardin, lieu dans lequel je faisais ce que je voulais, et cela jusqu’à l’adolescence. Cela allait au fait de creuser des trous jusqu’à élever des petits animaux, faire des cabanes, monter dans les arbres.

Le travail ! J’ai appris très tôt à l’école qu’il fallait travailler et ma maman me l’a aussi beaucoup dit. Je me souviens des séances de travail à la maison : je travaillais dur, j’apprenais mes leçons par cœur et elle me les faisait réciter. Donc, je peux dire le travail et la réussite.

L’amour, car c’était un mot-clé dans notre famille, qui a tout géré au-delà de certaines difficultés.

Enfin, je dirais la fratrie, la famille. Évidemment, c’est lié tout ça.

Regret : Est-ce qu’il y a une chose que vous auriez voulu changer à votre enfance ?

  Changer quelque chose à mon enfance… Peut-être au niveau de l’orientation de mes études. Dans la période treize dix-sept, j’aurais souhaité sans doute être plus au fait de ce qui se faisait. Par exemple, j’aurais aimé entendre parler autour de moi de Sciences Po : c’était le “must”, et je n’ai pas eu la moelle de travailler suffisamment, assez sérieusement, pour faire des études différentes de ce que j’ai fait.

Sinon, si mon enfance était à refaire, je ne changerais rien d’autre : c’était très bien comme ça.

Éducation : Quelle critique positive et/ou négative pouvez-vous faire de votre éducation ?

  Une critique positive de mon éducation, c’est l’amour des autres, les situations de responsabilités. J’étais l’aîné des petits et maman me confiait pas mal de tâches pour la seconder, pour l’aider.

En termes d’éducation, je pense que cela a guidé toute ma vie : en termes d’activités pré-professionnelles d’encadrement, ma vie professionnelle et ma vie de parent.

Dans le négatif, ce serait mon orientation étudiante. Il y a une cohérence dans ce que j’ai fait, mais j’aurais peut-être voulu faire autre chose.

Une critique négative… Je ne sais pas critiquer ce qui m’a été bien donné : c’est difficile.

J’ai été à la fois libre et responsable très tôt. Je me souviens de la première fois où j’ai eu le droit de sortir acheter un paquet de cigarettes pour mon père : je longeais la rue, il n’y avait pas de trottoir. J’avais cinq ans… J’étais très fier. La seconde, c’est la première fois que j’ai eu le droit d’aller chez un copain. J’avais sept ans.

Personnalité : Y a-t-il un trait de votre caractère qui est une conséquence de votre vécu durant votre enfance ?

  L’idéalisme, l’optimisme… Je suis très idéaliste parce que j’ai toujours rêvé de ce que je pourrais faire : j’ai toujours voulu faire des choses que je ne pouvais pas faire ou que je ne fais pas.

C’est la conséquence d’un contexte familial positif, malgré les difficultés dont j’étais conscient. Mes parents avaient quelques difficultés dans leurs rapports entre eux, mais cela n’a pas influé négativement sur ma vie. J’ai eu conscience que la famille est quelque chose de précieux, mais fragile. D’ailleurs avec ma femme, dans notre vie professionnelle, on le constate : à l’école, on voit trop de familles se briser.

Ce trait de caractère est justement une constance dans le maintien de la cellule familiale : au regard à la fois d’un aspect très positif de mon enfance, mais aussi des difficultés que rencontraient mes parents. Il faut trouver un équilibre entre tout cela. Surtout, il ne faut pas laisser prendre le pas au côté négatif de chacun.

Pour que cela fonctionne bien – je le dis à mes enfants – il faut une harmonie entre les parents, une communion de penser. S’il y a trop de différence d’ordre culturelle, c’est difficile à gérer. Je le vois avec les parents d’élèves : il y a des gens qui ne sont pas faites pour être ensemble. Il y a trop de divergences qui se révèlent et qui s’affirment, alors l’enfant est tiraillé entre les deux. Aujourd’hui, on divorce plus facilement, et on le voit bien dans les écoles : on voit la situation de tiraillement où se trouvent les enfants.

Transmission : Quelles choses pensez-vous avoir transmis à vos enfants de votre propre éducation et lesquelles sont différentes ?

  Ce qui est semblable dans mon éducation avec celle de mes enfants, c’est l’amour qu’on a entre nous tous. Le respect aussi : des uns et des autres. Le respect dans les différences. Mes enfants ont tous été élevés sous le même toit, pourtant, ils sont tous les quatre très différents.

Dans ce qui est différent – je n’en veux surtout pas à mes parents – c’est que j’ai eu plus de temps, et souvent plus d’expériences, pour mieux orienter mes enfants dans leurs études. Il ne faut pas trop critiquer ses parents, car on n’est assez grand pour dire ce que l’on veut faire. Mes enfants ont dit ce qu’ils voulaient faire. Je n’avais donc qu’à dire ce que je voulais faire. J’ai des frères et sœurs qui ont fait d’autres études : qui ont su dire ce qu’ils voulaient faire. On a bien guidé chacun…

Est-ce plus dur d’être l’aîné de la famille ?

Je ne sais pas si c’est plus dur : on a des responsabilités plutôt. Ce n’est pas plus difficile… Cela ne me donne pas la grosse tête non plus : il faut rester humble. J’étais très fière lorsque mes parents m’ont proposé d’être le parrain de mon frère : j’avais neuf ans. Ce n’est pas difficile : je l’ai vécu, tout simplement.

Une chose dont j’ai souffert – cela venait de part et d’autre – c’est la moquerie. Je ne supporte pas ça. Je n’ai pas le sens de l’humour : je n’ai pas un certain sens de l’humour. Ça j’en ai souffert.

On a très vite pris parti à la maison de ne jamais se moquer, de critiquer gratuitement les enfants. C’étaient des petites moqueries qui venaient parfois de la famille, parfois des copains… J’ai voulu éviter ça.

Dans mon métier aussi, j’ai toujours mis les enfants au diapason dès la première heure de cours, car très vite, il y en a un qui se moque d’un autre : et ça je dis non… On ne se moque pas, on se respecte.

Un mot suffit à blesser. Avec mes enfants, nos enfants, on a toujours veillé à ne jamais mettre l’un d’eux en difficulté par une moquerie ou un trait d’humour. Au nom de l’humour, on se permet des choses et non… Je suis assez raide là-dessus.

Anecdotes : Avez-vous un souvenir, une anecdote de votre enfance à raconter ?

  Il y en a beaucoup… J’évoquais mon premier sentiment de liberté tout à l’heure, je vais maintenant raconter la naissance de mon dernier petit frère. J’avais neuf ans. À une heure du matin, mon père m’appelle, me réveille et me le fait voir dans le lit, près de maman. C’était extraordinaire : cela m’est resté.

J’aurais pu raconter aussi mon premier vent de liberté lorsque je suis allée chez un copain.  Ou encore toutes mes expériences avec des copains dans les centres de vacances : c’est un moment dans mon enfance qui a été très important. C’étaient des expériences de vie collectives. On est allé au sport d’hiver lorsque j’avais treize ans : ce sont des moments très importants pour moi.

Évidemment, il y a eu tous les moments de vacances passés avec mes parents… J’étais fan de la montagne. Je me souviens d’un moment où on roulait, c’était la fin de journée : les nuages se sont écartés et le Mont blanc est apparu, tout rose, éclairé par le soleil couchant. J’étais complètement excité lorsque je voyais ça : j’adore la montagne pour ça ! On allait un mois en vacances avec mes parents ! On louait une maison. C’était magnifique…

Je peux raconter les distributions de prix à l’école. À l’époque, il y en avait. J’étais le premier de ma classe. Il y avait des prix d’excellence, des prix d’honneur. Le maire était sur l’estrade. On était appelés nommément, il fallait monter sur l’estrade pour aller chercher le prix. On se voyait remettre un beau livre, sur les applaudissements de tout le monde. Nous étions très fiers… Premier de la classe.

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Pour aller plus loin :

L’entretien a été réalisé en partenariat avec Notre passé d’aujourd’hui, projet qui porte des valeurs semblables à celles d’Entoureo.

Dans le cadre de son projet de livre en cours d’écriture depuis 2018, intitulé Notre passé d’aujourd’hui, Rosemitha Pimont, âgée de 20 ans, a réalisé une centaine d’interviews pour recueillir une multitude d’histoires de vie. Son objectif est de raviver, à travers six questions, les souvenirs de notre enfance, les caractéristiques de notre éducation, afin de voir l’impact de notre passé sur notre personnalité, notre présent.

Les personnes interviewées sont âgées de 15 à 101 ans, proviennent des quatre coins du monde et sont de milieux socioculturels divers. Une émission de radio sous le nom de Notre passé d’aujourd’hui, issue du même projet, est déjà disponible.


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